Ils n'ont pas le cœur gai dans leur humble chambrette Les deux jeunes époux, honnêtes ouvriers Car leur unique enfant, leur petite Jeannette, Malade, à l'hôpital, un jour, dut s'en aller. C'est aujourd'hui dimanche et c'est jour de visite Et le pauvre mari s'habille prestement. Sa femme lui dit : Pars et surtout reviens vite Me dire comment va notre petite enfant. Moi, t'accompagner, je ne puis J'ai tant de travail. Dis-le-lui.
Pour finir la robe blanche Qu'elle mettra le dimanche, Aujourd'hui, je veux rester Et je m'en vais bien travailler. Je l'ornerai de dentelle, De jolis rubans soyeux Et notre fille sera belle Comme un ange des cieux.
Le pauvre homme s'en va... Marchant d'un pas rapide, Il arrive bientôt... Il entre à l'hôpital Sur le petit lit blanc et la mine livide, Il aperçoit sa fille et la trouve plus mal. Il va voir le docteur, le presse, le questionne : Comprenez-moi, j'ai besoin de savoir. Ah ! Je peux tout entendre, allez ! Je me raisonne... Ayez donc du courage, il n'y a plus d'espoir. Et le père, étouffant ses pleurs, A l'enfant cache sa douleur.
Et sur sa couchette blanche, Vivant son dernier dimanche, En tendant ses petits bras, L'enfant murmure à son papa : Je veux ma robe en dentelle Avec de beaux rubans bleus... Tu l'auras et tu seras belle Comme un ange des cieux.
Brisé par la douleur, il sort comme un homme ivre. Et s'appuyant au mur, il marche en titubant, Car sa femme, il le craint, ne pourra pas survivre A la cruelle fin de sa petite enfant. Mais il trouve la force en lui pourtant de dire, Effaçant de son front le nuage soucieux, A sa femme, en rentrant, presque dans un sourire : Allons, console toi... Notre fille va mieux. Et tandis que l'enfant se meurt, La maman dit, la joie au cœur :
Regarde sa robe blanche Qu'elle mettra le dimanche. Pour la parer plus gaiement, Que faut-il : dentelle ou ruban ? Je crois qu'un peu de dentelle, Répond-il, fera bien mieux... Car il pense : Elle sera plus belle Pour monter aux cieux.