Il y en a qui dorment un peu, Qui se reposent de chez eux, Leur lit, sans doute, est beaucoup mieux, Mais qu'ils sont beaux quand ils sommeillent. Et d'autres qui sont dans leur coin Et qui se tiennent par la main Les fauteuils, pour eux, c'est du foin Où ils peuvent se dire:"Je t'aime." Il y en a qui, par hasard, Passaient ce soir sur ce boulevard Et qui sont entrés sur le tard Sans trop savoir pourquoi, Et d'autres qui sont là, Qui ne le savent pas. Il y en a qui n'osent pas, De peur qu'on les montre du doigt, Et qui ne nous regardent pas, Mais qui surveillent leurs voisines: Madame "de" n'applaudit pas, Madame "de" n'aime pas ça, Moi ça me plaît, mais n'allons pas Bêtement perdre son estime Il y en a qui sont polis, Qui partent quand tout est fini, Et d'autres pour qui le spectacle Commence et finit à l'entracte, Et d'autres qui sont là, Qui ne le savent pas. Et puis y a ceux qui viennent, Tout sourire dehors, Mais qui espèrent quand même Voir une mise à mort. Il y a ceux qui nous défient De les faire vibrer, Moins parce qu'ils s'en amusent Que parce qu'ils sont blasés. Oserais-je parler, Pour nous faire plaisir, De ceux qui démolissent Ce qu'on cherche à bâtir, Ou bien, sur une scène, Va-t-on les faire monter Un jour, nous dans la salle Pour mieux en profiter? Mais toi, mais toi Si tu fermes les yeux, Si tu sembles dormir, C'est pour mieux écouter. Mais toi, mais toi Si tu serres une main, C'est que tu te sens bien. Qu'importe ceux qui viennent Sans trop savoir pourquoi, Essayons tout de même Qu'ils ne s'en aillent pas, Que les amoureux s'embrassent, Que d'autres dorment un peu, Au prix où sont les places On en fait ce qu'on veut. Tant pis pour ceux qui viennent Qu'on n'intéresse pas, Mais tous ceux qui nous aiment Ne les décevons pas. Tant mieux s'il y en a mille, Tant pis s'il y en a trois, Même s'il n'y en a qu'un, Chantons pour celui-là.
Compositor: Paroles et Musique: Georges Chelon 1969