J'en connais deux qui s'aiment au milieu de la ville, L'endroit d'ailleurs n'a pas d'importance pour eux, Puisque plus rien n'existe que ces ondes fragiles Qu'on appelle l'amour, faute de trouver mieux. S'étaient-ils déjà vus? Ils se sont reconnus: "C'est toi que je cherchais, c'est toi que j'attendais". Et le coeur, et le corps, ils se sont mis à nu, Comme font des enfaints murmurant un secret.
J'en connais deux qui s'aiment. Avant cette rencontre Ils vivaient à demi, boîteux, sans le savoir. A travers leurs regards, ils découvrent, et se montrent Un monde émerveillé par delà les miroirs. Dans la nuit qui les berce elle l'écoute dormir, Lui s'alarme et s'inquiète quand elle soupire à peine, Ils remplissent leurs yeux avec l'autre sourire, Et c'est le même sang qui coule dans leurs veines.
J'en connais deux qui s'aiment, beaux parc' qu'ils sont ensemble, Et des années lumières les séparent de nous. Passera peu de temps avant qu'ils se ressemblent, Comme l'arbre et l'oiseau, puisqu'ils partagent tout. Ils ne sont jamais seuls: lorsque l'un d'eux s'absente L'autre garde l'image et l'odeur et la voix, Et le souvenir de telle façon touchante Qu'elle a de déposer sa tête sur son bras.
J'en connais deux qui s'aiment, moi qui n'aime plus guère Qu'un chien noir, ombrageux, qui passe ses journées A courir les femelles par des itinéraires Mystérieux, et rentre le soir fatigué. Ils se reconnaîtront peut-être dans ces mots Qui sont écrits pour eux, qui arrêtent le temps. Qu'ajouter àcela, j'en ai dit déjà trop: J'en connais deux qui s'aiment, et tout est différent.