J'étais une petite fille, Du moins je le croyais, Portais des espadrilles, J'avais encor mes jouets, Mais un jour dans la rue, En sortant de l'école, Je vois un inconnu Qui, à mes pas, se colle. Un monsieur me suit dans la rue. J'en avais rêvé bien souvent Et fus d'avance tout émue. Qu'est-ce qui va s'passer maint'nant ? Quand on m'a suivie dans la rue, J'pensais que ça s'rait épatant. Quand on m'a suivie dans la rue, Ce n'était qu'un vieux dégoûtant. Le cœur a ses mystères : Je suis prise de passion Pour un homme, un gangster Qu'a d'la conversation Et quand je vais chez lui, Il faut faire attention. Je sais qu'on le poursuit Pour le mettre en prison. Voilà qu'on me suit dans la rue, Gros soulier qui marche en criant. Pourvu qu'on n'm'ait pas reconnue. J'ai peur que ce soit des agents. J'enfile des rues et des rues. Mon Dieu, ça devient effrayant. On me suit toujours dans la rue. Ils approch'nt leurs mains en riant. Je suis tombée malade Dans un grand lit tout blanc, Le cœur en marmelade, Mon pauvre front brûlant. Un prêtre me demande : "Voulez-vous le Bon Dieu ?" Moi je préfère attendre, Des fois que j'irais mieux. Voilà qu'on me suit dans la rue. Les hommes saluent, déférents. C'est pour moi, j'l'aurais jamais cru, Que les femmes se signent en passant. Comme je passe à travers les rues, J'arrête la vie et le mouv'ment. Tout le monde me suit dans la rue, Tout en noir, à mon enterr'ment.
Compositor: Paroles: Jean-Paul Le Chanois. Musique: Jacques Besse 1942