Tout là-bas sur les bords de l'Oise Dans un jeu de feuillage et d'eau De sable fin et d'herbe rase Sous un ciel palpitant d'oiseaux Je revois la petite auberge Rose et grise, un peu de guingois Le bateau tiré sur la berge Et la chambre aux tendres émois Et nous deux, entre deux extases Tout au long des beaux jours d'été Qui cultivions au bord de l'Oise Comme il se doit l'oisiveté
A l'Auberge du temps perdu Plus succulent qu'une framboise Qu'il était bon au bord de l'Oise Françoise, le fruit défendu
Alentour, le profond silence Des collines et le froissement De l'eau tout près, de l'eau qui danse Vers Pontoise ou vers L'Isle-Adam Souviens-toi nos amours divines Nos réveils dans le clair matin Quand vers nous montaient des cuisines Des senteurs de broche et de thym Luxuriance, exubérance Des jardins, des vergers, des bois Et, tout autour de nous, la France Et le clocher de Valmondois
A l'Auberge du temps perdu Dans la chambre aux rideaux garance Ah, qu'il était bon quand j'y pense Hortense, le fruit défendu
La patronne, une Tourangelle Nous traitait comme ses enfants La clientèle était fidèle Un poète, un très vieux savant Des amants toujours seuls au monde Qui dînaient les yeux dans les yeux Un pêcheur, une dame blonde Tout en noir, deuil mystérieux Saluts discrets, regards complices Pour accueillir notre retour De la chambre où, sans artifices, Nous avions tant parlé d'amour
A l'Auberge du temps perdu La patronne, non sans malice, Corsait d'un buisson d'écrevisses Clarisse, le fruit défendu
Aujourd'hui, fini le silence Le dimanche vers Valmondois Mille chevaux-vapeurs s'élancent A plein gaz et tous à la fois C'est affreux, les pick-up font rage Le bastringue est le roi du bal Et le soir le long du rivage On dirait un vrai carnaval On a changé la vieille enseigne "Au spoutnik" est son nouveau nom Le blouson noir qui nous renseigne Nous dit "Au spoutnik, c'est canon !"
Tout se perd dans le temps perdu Pourtant, je garde encore fidèle Le souvenir qui m'ensorcèle Adèle, du fruit défendu