Ma petite chérie, souviens-toi je t'ai dit, Après la guerre on se marie. On f'ra une maison et plein d'petits poltrons Qui nous emmerderons mais nous les aimerons. Devant sur le trottoir, une belle voiture noire Attirera tous les regards ; Elle sera la notre, même on en aura plein d'autres ! On plantera dans l'midi notre étendard.
J't'écris cette lettre avant l'combat Pour garder un peu de joie. Prépare tes valises pour demain, Car c'est demain que je reviens.
Le samedi soir au bar pour fêter notre départ, On boira jusqu'au plus tard. Je veux qu'tout le monde soit saoul, Qu'on ne tienne plus debout, Qu'on prenne les hiboux pour des canards. Puis on partira vers le sud cette fois, Vers le soleil, ma belle. On n'regrettera pas d'avoir laissé là, La guerre la cruelle.
J't'écris cette lettre avant l'combat Pour garder un peu de joie. Prépare tes valises pour demain, Car c'est demain que je reviens.
Ma petite chérie, c'est de là-haut que je t'écris, La guerre m'a tué, fini la vie ! On fera pas de maison, encore moins de poltrons ; J'ai presque envie de te demander pardon. J'ai goûté au trépas, d'où je ne reviendrai pas Pourtant tu vois, je n'aime pas ça. Dépose sur ma tombe deux ou trois colombes Parce que les fleurs, je n'aime plus ça.
Surtout je voulais te dire que toi tu respires, Qu'il faut que tu penses à te marier, A faire des mômes qui ne me ressemblerons pas, Mais qui serons tellement beaux que tu n'y penseras pas.
J't'écris cette lettre du paradis, D'où je ne reviendrais pas, Mais pense qu'un jour ma petite chérie, Il faudra bien qu'on se revoie.